EUROPE - Géographie

EUROPE - Géographie
EUROPE - Géographie

L’Europe, selon la conception traditionnelle, s’étend de l’Atlantique à l’Oural: elle couvre 10 millions de kilomètres carrés; elle est donc quatre fois moins étendue que les Amériques ou l’Asie, trois fois moins que l’Afrique. Elle n’occupe que 6,75 p. 100 des terres émergées. Aussi la considère-t-on parfois comme une simple péninsule de l’Asie à laquelle elle est largement rattachée, à la fois à l’est et au sud-est, ce qui a de très importantes conséquences sur ses caractères physiques et a joué un rôle notable dans son peuplement et dans son évolution historique. Cette impression était encore renforcée par le fait que l’U.R.S.S. enjambait l’Oural et rassemblait sous un même pouvoir politique la majeure partie de l’Europe et toute l’Asie septentrionale. Cependant, on s’en tiendra ici à la conception classique.

Ainsi limité, le domaine continental européen s’étend sensiblement du 11e degré de longitude ouest au 60e degré de longitude est, et du 71e degré de latitude nord, au cap Nord, au 36e degré, au sud du Péloponnèse. Mais il se prolonge parfois beaucoup plus loin dans des îles, proches comme la Nouvelle-Zemble ou la Crète, ou lointaines comme le Spitzberg, l’Islande, les Canaries et les Açores, que les vicissitudes des occupations historiques lui ont progressivement rattachées.

Le plus petit des continents, avec l’Australie, l’Europe est aussi le plus morcelé. Découpée en de nombreuses presqu’îles, trouée de mers intérieures, aucun point de son territoire n’est à plus de 1 500 km d’un rivage marin, même près de ses limites orientales, au cœur de la Russie d’Europe; plus à l’ouest, la distance maximale se réduit à moins de 1 000 km. Une autre forme de ce morcellement apparaît dans la disposition même du relief, étiré en petites chaînes sinueuses et n’offrant jamais une masse de plateaux continus comme dans tous les autres continents. L’Europe est donc un espace naturellement compartimenté et divisé, sauf quand on aborde l’élargissement de la grande plaine russe, et c’est peut-être un des facteurs fondamentaux de sa physionomie politique, où la fragmentation de l’ouest et du centre s’oppose à l’unité des pays de plaines du domaine russe.

Enfin, l’Europe est un continent très peuplé. Les excès climatiques y sont limités à des zones peu étendues. Le relief est vigoureux, ramassé et pénétrable: les Alpes du Nord françaises, qui renferment les plus hauts sommets du continent, sont découpées de larges et profondes vallées, propices aux communications et aux implantations.

L’occupation humaine, fort ancienne, s’est poursuivie sans interruption. L’Europe compte, non compris la partie ex-soviétique, 497 millions d’habitants, soit une densité de 101 habitants au kilomètre carré, sensiblement égale à celle de la France, alors que, pour l’ensemble du monde, la densité n’est que de 38. Avec les Russes d’Europe, le total atteint environ 680 millions, c’est-à-dire à peu près 15 p. 100 de la population mondiale.

1. Un relief morcelé

L’Europe est intimement pénétrée par les influences maritimes. Non seulement ses lignes côtières océaniques sont très ramifiées et très développées, mais ses mers intérieures sont nombreuses, et surtout la disposition des éléments montagneux qui en constituent l’ossature favorise grandement la propagation des vents d’ouest. Ceux-ci, dominants à ces latitudes dans la circulation générale de l’atmosphère, ne rencontrent aucun obstacle puisque les principales lignes de hauteur sont, ou bien morcelées, ou bien étendues de l’ouest à l’est (cordillères ibériques, Pyrénées, Alpes centrales), et qu’elles laissent entre elles, surtout à l’ouest et au nord, de vastes espaces de plaines en quelque sorte basculés vers la mer.

Pourtant, localement, les reliefs sont assez marqués pour créer des versants abrités, et la Suède bénéficie de la barrière des Alpes scandinaves, l’Écosse orientale de celle des Highlands, la plaine du Pô ou les bassins danubiens des replis alpins ou carpatiques, la Riviera française d’un triple rempart montagneux.

En apparence, les montagnes européennes sont multiples et assez dispersées. En réalité, elles se rattachent à trois grands systèmes: les boucliers et les plissements géologiquement très anciens au nord-ouest, depuis les îles Britanniques jusqu’à la péninsule finno-scandinave; les vieilles montagnes au centre, depuis l’ouest de l’Espagne jusqu’à l’extrémité orientale de l’Europe centrale; les ramifications des plissements au sud et au sud-est. Bien entendu, cette distinction est schématique et l’altitude actuelle de tous ces reliefs est due à des mouvements récents depuis la fin du Secondaire. Mais la nature des roches qui les constituent et la physionomie de leurs paysages ne sont pas les mêmes; il s’agit de vieux ensembles très anciennement constitués, rabotés et remis en saillie comme le Massif central, ou de jeunes montagnes vigoureusement soulevées à une date plus récente comme les Alpes.

Les montagnes septentrionales

Les montagnes forment l’ossature de la Scandinavie, bordent l’ouest de la Grande-Bretagne, entourent la cuvette centrale de l’Irlande. Elles sont peu élevées; le point culminant est en Norvège centrale, le Galdhøpiggen (2 469 m); leurs sommets sont lourds, l’ensemble est localement rajeuni par des soulèvements et des fractures tertiaires, il est partout profondément marqué par l’empreinte glaciaire.

La péninsule finno-scandinave est bordée sur toute sa longueur à l’ouest et au nord-ouest par une chaîne montagneuse qui a reçu, assez improprement, le nom d’Alpes scandinaves, véritable bourrelet montagneux dont les sommets doucement arrondis dépassent 2 000 m. C’est le Fjäll, que les rivières griffent parfois profondément, descendant vers la côte occidentale où elles aboutissent à des fjords majestueux, ou, accompagnées de lacs longs et sinueux, vers la côte orientale et les plaines du golfe de Botnie. La forêt apparaît, vigoureuse et sombre, dès qu’on descend vers les vallées, surtout sur le flanc suédois. L’enneigement est abondant et les plaques de neiges éternelles demeurent de place en place, de même que des glaciers locaux.

Cette chaîne est constituée par des terrains fortement plissés, essentiellement cambro-siluriens: elle appartient aux montagnes qui, sur 3 500 km, du sud-ouest au nord-est, de l’Irlande au Spitzberg, représentent les restes européens des grands plissements calédoniens. Elle borde une vaste masse rigide, l’Urberg: la montagne mère, celle des origines, le bouclier antécambrien, baltique ou fennoscandien, qui s’étend depuis la Suède centrale jusqu’aux rives de la mer Blanche, à la bordure orientale du lac Ladoga et au centre de la Baltique. Tout autour, ce bouclier est revêtu progressivement par une couverture sédimentaire primaire. Cette masse de terrains métamorphiques et cristallins a subi des déformations importantes, suivies d’arasement complet. Elle forme le soubassement des pays nordiques; des mouvements de reliefs très peu marqués sont responsables de la présence de mers intérieures peu profondes: dépressions monoclinales du golfe de Finlande, affaissements du golfe de Botnie, de la mer d’Åland. Un bouclier analogue doit exister plus à l’est: partiellement effondré, il n’est plus représenté que par le Spitzberg et la Nouvelle-Zemble.

Malgré l’ancienneté de sa constitution géologique, l’ensemble finno-scandinave doit son relief actuel à des événements beaucoup plus récents: à la fin du Tertiaire, après des périodes d’érosion prolongées, des mouvements de soulèvement et d’affaissement avaient constitué une série de blocs étagés où l’érosion fluviale était peu développée. C’est au Quaternaire que s’est produit le phénomène majeur: les glaciations. Ici se trouvait en effet le grand centre de dispersion des glaces dont le rôle s’est fait sentir en Europe jusqu’au 50e parallèle. Les auteurs ne sont pas d’accord sur le nombre des avancées et des retraits des glaciers (deux ou trois périodes?). La calotte devait avoir son centre sur le golfe de Botnie et atteindre 3 000 à 3 500 m d’altitude; l’écoulement se faisait vers l’ouest, l’est et le sud, rabotant tout sur son passage, entraînant des masses énormes de déblais. La fin de la dernière période glaciaire ne remonterait qu’à 6 800 ans avant J.-C. Les conséquences sont multiples: rabotage des roches supprimant tout sol superficiel; près des sommets, formes alpines (cirques, auges); les profondes vallées glaciaires sont maintenant souvent occupées par des lacs et par des fjords sur les côtes, avec des cascades impressionnantes et de grands murs verticaux de roches nues; à la périphérie, les dépôts ont donné un étonnant paysage où la terre et l’eau se mêlent indissolublement: lambeaux de moraines façonnées en drumlins, en os, longs cordons sinueux, ou recouvrant tout l’ensemble des terres de couches épaisses d’argile glaciaire imperméable. Ainsi la plaine suédoise et la Finlande méridionale sont des mélanges de chenaux, de lacs, d’îles et de terres fermes; la forêt y pousse partout où la roche n’est pas impitoyablement dénudée.

Depuis la fin de la glaciation, un autre phénomène très important se produit: le soulèvement en bloc de ce morceau de continent, libéré du poids énorme de sa calotte de glace (il aurait atteint 300 m en moyenne); l’exhaussement autour de Stockholm atteint encore 40 cm par siècle, avec pour conséquences l’enfoncement des vallées, l’exondation des terres fertiles récemment encore couvertes par la mer, l’obligation pour un certain nombre de villes de se déplacer pour échapper à l’assèchement (Upsal, Göteborg).

Dans les îles Britanniques, les reliefs n’ont ni la même ampleur ni la même ancienneté. On distingue, en Écosse, une série de blocs parallèles allongés du nord-est au sud-ouest et alternant avec des dépressions correspondant à des fossés d’époque tertiaire. Du bloc le plus septentrional, où l’on retrouve des morceaux de vieux socle archéen, il ne reste que des îles (Shetland, Hébrides); il est séparé de la Grande-Bretagne par le canal de Minch; au sud, les Highlands forment deux compartiments coupés par le Glen More et les firths, et de profonds golfes marins prolongent ceux-ci (Moray au nord-est, Lorne au sud-ouest). Là se trouve le point le plus élevé des îles Britanniques, le Ben Nevis (1 343 m), lourd dôme où ne subsistent même pas de neiges permanentes. Au pied des Highlands, le fossé des Lowlands ouvre une coupure de plaines et de collines également fortement indentées par la mer (firths du Forth à l’est, de la Clyde à l’ouest); les Southern Uplands les limitent au sud, dessinant la coupure politique classique entre Écosse et Angleterre. Ces blocs se retrouvent dans le nord-est de l’Irlande sous forme de petits massifs et de dépressions alternés: monts Donegal, dépressions de Londonderry, monts Sperrin (683 m). L’Angleterre proprement dite a des reliefs beaucoup moins ordonnés: la dorsale de la chaîne Pennine, d’orientation nord-sud, constitue le squelette où s’appuie une série de plaines périphériques (bassin de Londres et ses prolongements à l’est, plaine du Lancashire à l’ouest). Le massif du pays de Galles (Snowdon, 1 085 m) et celui de la Cornouailles sont formés de terrains primaires plissés et de restes de noyaux cristallins. En Irlande, en dehors du nord-est, les montagnes se disposent en blocs périphériques: monts du Connaught au nord-ouest (Neuphin, 807 m), de Munster et de Kerry au sud-ouest (point culminant de l’Irlande: Carrantuohill, 1 042 m), de Wicklow à l’est. La plaine est au centre et s’ouvre essentiellement à l’est, sur la mer d’Irlande.

Tous ces reliefs des îles Britanniques appartiennent au plissement calédonien, sauf la chaîne Pennine et l’extrême bordure sud du pays de Galles et de l’Irlande méridionale qui se rattachent au plissement hercynien. L’action de la glaciation, qui a aussi couvert l’ensemble des îles et de la mer du Nord d’une vaste calotte, est très marquée. Les sommets sont arrondis, couverts de landes à partir de 600 à 800 m dans le pays de Galles, de 300 m dans les Highlands. Les lacs s’allongent, sculptés dans la roche comme ceux du massif du Cumberland ou d’Écosse, ennoyés dans la masse des dépôts glaciaires comme les longues divagations de la plaine d’Irlande. Le drift (couverture de dépôts glaciaires) a recouvert l’ensemble des îles, sauf le sud-est du bassin de Londres. Les fjords majestueux et profonds découpent les côtes ouest et nord de l’Écosse. Dans les blocs, les grandes fractures se sont produites au Tertiaire. Les indentations marines sont très marquées et de longs estuaires se ramifient jusqu’au sein des reliefs (firth de Solway, canal de Bristol).

Les grandes plaines septentrionales

Entre cette première rangée de reliefs et l’épine dorsale européenne formée par les vieilles montagnes centrales s’étendent les plus grandes plaines européennes. Leur physionomie diffère selon le compartimentage des hauteurs auxquelles elles s’appuient et aussi selon leur latitude et les vicissitudes des changements climatiques récents qu’elles ont subis.

En Angleterre et en France jusqu’à l’Artois, la disposition des petits massifs montagneux a favorisé l’existence de «bassins», régions peu élevées de collines, de plateaux et de plaines mêlées, caractérisées par une triple convergence: les altitudes s’abaissent de la périphérie vers le centre tandis que, dans le même sens, les couches géologiques sont de plus en plus récentes; enfin, le réseau hydrographique converge lui aussi vers la cuvette centrale. Le Bassin parisien est le type caractéristique de cette disposition: l’altitude des plateaux aux alentours de Paris est de 100 m et augmente vers les Vosges, le Morvan, le nord du Massif central, les collines de Normandie et même les plateaux crayeux de Picardie; la structure en auréole est particulièrement apparente quand, quittant la région parisienne, on se dirige vers les Vosges en traversant une série de côtes dissymétriques qui marquent le rebord des couches dures plongeant de la périphérie vers le centre; depuis le Morvan jusqu’aux Ardennes, les vallées qui descendent des hauteurs vers le creux parisien ont un tracé rayonnant. Au nord, les mêmes accidents (Artois-Weald) se retrouvent sur les deux rives de la Manche, dont l’ouverture maritime a moins de 10 000 ans, et le bassin de Londres apparaît plus ou moins comme le complément de celui de Paris. Au sud des pays de la Loire, le bassin d’Aquitaine est dissymétrique, car il est bordé au sud par une puissante chaîne récente, celle des Pyrénées.

Au nord de l’Artois, on entre dans le domaine de la grande plaine nord-européenne, qui va de Dunkerque à l’Oural. Ici les massifs anciens, plus éloignés, moins contournés, ont donné place à de larges surfaces doucement inclinées, faiblement accidentées, souvent terminées le long des rivages par des zones amphibies (polders de Hollande, vastes estuaires du Rhin, de la Weser, de l’Elbe, de l’Oder, de la Vistule, cordons littoraux et chapelets d’îles des détroits danois ou des côtes baltiques). La plaine a 200 km de largeur en Allemagne occidentale, 600 en Pologne orientale, et elle couvre pratiquement toute la Russie d’Europe. La majeure partie de cette plaine a été profondément transformée par les glaciations. En effet, d’une part, les grandes calottes glaciaires venues de Scandinavie ont envahi toute la partie septentrionale, tandis que les organismes plus restreints, descendant des montagnes centrales, s’étendaient largement hors de leur domaine. Sur tout le pourtour de la Baltique, en particulier, la plaine est recouverte d’une épaisse couche de moraines de fond et les guirlandes des moraines frontales accidentent la plaine allemande, polonaise et russe de collines, entre lesquelles sinuent les fleuves, s’étendent de vastes lacs ou subsistent quelques marais. L’immensité de la plaine et ses larges ouvertures maritimes offrent des possibilités de liaisons faciles: aucun relief entre la mer Baltique et la mer Noire, entre la mer Blanche et la mer Caspienne, et cela a permis aux Russes d’organiser leur fameux système de canaux des cinq mers. Au sud des zones autrefois englacées, les vents violents de l’époque glaciaire ont transporté de fines poussières fertiles accumulant les limons et les lœss; ce sont eux qui assurent la richesse des régions agricoles périphériques (Bassin parisien, Limagne, Alsace, Allemagne du Sud, plaine hongroise atteinte à l’intérieur de son cadre montagneux, sud des plaines russes).

Les vieilles montagnes centrales

Un système montagneux dessinant un W gigantesque a constitué le squelette de l’Europe continentale et se marque encore actuellement par toute une série de reliefs qui débute dans les îles Britanniques au sud de l’Irlande, du pays de Galles et en Cornouailles, se prolonge en France par les collines de Bretagne, de Normandie et de Vendée, seuls témoins du Massif armoricain maintenant presque complètement arasé, subit un premier rebroussement dans le Massif central où les directions nord-ouest sud-est du Limousin font place à l’est aux orientations sud-ouest - nord-est des Cévennes et de la bordure orientale, se retrouve dans les Vosges, la Forêt-Noire, le Massif schisteux rhénan, les montagnes de l’Allemagne moyenne, le quadrilatère bohémien, le massif de la Lysa Góra en Pologne, les collines du Donetz, puis s’oriente vers le nord avec l’Oural. Ce plissement hercynien associe les directions caractéristiques nord-ouest sud-est (armoricaines) et sud-ouest - nord-est (varisques). Son nom lui vient de la montagne du Harz, en Allemagne du Sud. Autrefois très vigoureuses, ces chaînes ont subi plusieurs pénéplanations presque complètes dont les résultats les plus importants sont la pénéplaine posthercynienne et de nombreuses surfaces d’érosion tertiaires. Ces arasements ont contribué à donner à ces reliefs des caractéristiques communes: des sommets lourds, des plateaux étendus coupés par des vallées séniles, des altitudes modestes. Si nulle part ces vieilles montagnes ne dépassent 2 000 m d’altitude, le contrecoup du plissement alpin a violemment rajeuni ces ancêtres: fragmentant les massifs, soulevant les tables arasées, elles ont donné des fossés (Limagne, plaine d’Alsace, Bade), des gorges encaissées (Dordogne, Allier, Loire, «trouée héroïque» du Rhin à travers le Massif schisteux rhénan). Ces bouleversements ont également provoqué des manifestations volcaniques, et le point le plus élevé de ces vieilles chaînes est le puy de Sancy, dans le Massif central français (1 886 m). Ainsi rajeunies, ces montagnes constituent, dans la plus grande partie du domaine européen, la ligne de partage des eaux entre le domaine océanique et le domaine méditerranéen. Les bassins houillers les plus importants se trouvent à leur pied.

Le Massif central français en constitue le type le plus caractéristique. Situé au premier point de rebroussement des chaînes hercyniennes, il a, en outre, été le siège de grandes fractures d’orientation méridienne. S’élevant lentement, à partir du nord et de l’ouest jusqu’à de hauts plateaux cristallins de 1 000 à 1 600 m d’altitude, il tombe brutalement sur la vallée du Rhône par un abrupt imposant dû aux dislocations tertiaires, comme les fossés qui le fragmentent intérieurement et ont donné passage aux cours de l’Allier et de la Loire. Les manifestations volcaniques sont nombreuses (Cantal, chaîne des Puys, Cézallier, puy de Sancy); elles se traduisent par des cônes, reliefs postiches dominant les plateaux, par des laves rouges et noires, par l’abondance des eaux thermales.

L’Europe alpino-méditerranéenne

La quatrième zone de relief européen s’étend au sud des Pyrénées, à l’est et au sud-est des arcs alpins et carpatiques; elle englobe également les monts du Caucase. Dans cette région, les plaines ne sont que l’exception, toujours étroitement encadrées et délimitées par de puissants bourrelets montagneux. Les chaînes, au contraire, sont élevées avec des sommets hardis et majestueux; les neiges éternelles et les glaciers s’y rencontrent; les altitudes sont très élevées, dépassant fréquemment 3 000 m et atteignant au maximum 4 810 m, au mont Blanc. Les domaines hercynien et alpin sont parfois très rapprochés: entre le Massif central et les Alpes où s’écoulent la Saône et le Rhône, entre les Alpes et la Forêt-Noire ainsi qu’entre les Alpes et le quadrilatère bohémien où les coupures du Rhin et du Danube s’insinuent étroitement. Dans leur orogenèse, les mouvements alpins ont parfois repris des morceaux de socle plus ancien qui se marquent par de hauts plateaux élevés, comme dans les mesetas encadrant les chaînes Ibériques, ou sous forme de haute arête écrasée, comme dans la zone axiale pyrénéenne.

Plusieurs ensembles peuvent se distinguer dans cette zone. Dans la péninsule Ibérique, des chaînes orientées en arcs reposent sur le socle des hauts plateaux: chaînes Bétiques au sud, serra da Estrela, sierras de Gredos, de Guadarrama, de Guenca entre haute et basse Castille au nord de Madrid, cordillère Cantabrique soulignant la côte septentrionale et se prolongeant vers l’est par la chaîne pyrénéenne. Les bassins sont rares et étroits, comme celui du Guadalquivir au sud-ouest et de l’Èbre au nord-est. L’arc alpin proprement dit va des Alpes maritimes françaises au bassin de Vienne, mais il se ramifie au-delà du golfe de Gênes dans l’Apennin qui forme l’ossature de l’Italie et se replie dans la Sicile, tandis que, vers l’est, les Carpates au nord et les Dinariques au sud-est peuvent être considérées comme les prolongements de la chaîne alpine. La disposition de tous ces reliefs est remarquable: dessinant de grandes courbes, ils circonscrivent des alvéoles occupées par des plaines (plaine du Pô, bassin du Danube moyen, Hongrie et nord-est de la Yougoslavie, Valachie) ou par des mers contournées (Adriatique). Le prolongement de ces arcs se retrouve sur les autres continents: les chaînes Bétiques dans les îles Baléares au nord-est et dans le Rif au sud, au-delà de la coupure de Gibraltar, celles de Sicile dans la dorsale tunisienne. Les chaînes des Balkans, épanouies en éventail, délimitent les plaines d’Istanbul, de Salonique, d’Athènes, s’incurvent dans l’île de Crète, réapparaissent en presqu’îles sur les rivages de l’Asie Mineure au-delà de la mer Égée et des détroits des Dardanelles et du Bosphore, encadrant la mer de Marmara. Localement, on retrouve aussi des morceaux de vieux socle: en Sardaigne, dans une partie de la Corse, dans les monts du Rhodope. Les activités volcaniques récentes, notamment sur l’arc interne des Carpates, se traduisent encore par des manifestations d’éruption (Etna, Vésuve, Stromboli).

Étant donné leur latitude, ces régions ont été moins fortement marquées par les conséquences des glaciations que les contrées plus septentrionales. Ici, les appareils glaciaires se sont limités à des calottes locales descendant plus ou moins sur les plaines périphériques. Les plus majestueuses traces de ces glaciations subsistent dans l’arc alpin et à son voisinage: auges profondes permettant une circulation facile même à l’intérieur de la haute montagne (la vallée de Chamonix est à 1 000 m au pied du mont Blanc), cols relativement bas et accessibles (col du Brenner à 1 362 m, du Simplon à 2 009 m, du Saint-Gothard à 2 112 m, du Grand-Saint-Bernard à 2 472 m, du Mont-Cenis à 2 083 m, du Mont-Genèvre à 1 854 m, de Tende à 1 870 m) coupant de 1 000 à 2 000 m les hauteurs voisines, grâce au passage d’anciennes diffluences glaciaires; aiguilles escarpées sans cesse façonnées par les éclatements de la roche sous l’influence du gel (les noms des sommets témoignent de ce surprenant aiguisage : aiguille, pic, dent); énormes cirques glaciaires naguère emplis de névés et de glace, maintenant dominant de leurs parois vertigineuses les petits glaciers résiduels actuels. Et le meilleur témoignage de cette gigantesque force d’érosion est sans doute constitué par les grands lacs qui s’allongent dans les vallées, soit à l’intérieur, soit à la périphérie des hautes montagnes: lacs Majeur (dont le fond s’abaisse à 175 m au-dessous du niveau de la mer), de Côme (face=F0019 漣 212 m), de Garde (face=F0019 漣 295 m) et tous les autres grands lacs d’Italie septentrionale, de France, de Suisse, d’Autriche, ainsi que les lacs des hauts plans pyrénéens. Le domaine alpino-méditerranéen se traduit donc par des caractères morphologiques de jeunesse, d’oppositions violentes, de compartimentage exaspéré.

2. Climat et végétation

S’il fallait définir d’un mot le climat européen par opposition à celui de tous les autres continents, on pourrait le qualifier d’«océanique». Il le doit à sa position dans ces latitudes tempérées où la circulation atmosphérique se fait essentiellement d’ouest en est; à sa situation sur la façade orientale de l’océan Atlantique; à la disposition favorable de son relief; enfin, à la présence de nombreuses mers intérieures qui prolongent ou rénovent l’influence océanique et font que Saint-Pétersbourg, par exemple, perçoit encore indirectement certains effets de la présence atlantique.

Continent tempéré, largement ouvert à l’océan, l’Europe est pourtant aussi l’objet de deux autres influences très importantes. Tout d’abord son rattachement massif à l’Asie, terre des contrastes thermiques accusés, siège tour à tour de hautes pressions très stables et volontiers envahissantes en hiver, de basses pressions en été; ce voisinage pèse lourdement sur la Russie et l’Europe centrale et orientale et, à la faveur de certains incidents atmosphériques, fait parfois sentir son influence en hiver jusqu’à l’approche des rives océaniques où les hautes pressions opposent un barrage quasi impénétrable aux dépressions venues de l’ouest et assurent à l’Europe occidentale quelques rares belles journées hivernales ensoleillées mais glacées. Quant à la présence de la Méditerranée, importante mer intérieure, allongée entre l’Europe du Sud et l’Afrique, continent relativement chaud, elle exerce également un rôle très marqué sur toutes les péninsules et permet notamment l’avancée de l’air saharien en été.

Outre ces données de situation, il faut aussi tenir compte pour définir les climats européens des grands faits de circulation. L’Europe, située aux latitudes tempérées, se trouve tour à tour sous la dépendance partielle des masses d’air polaires (en hiver le front polaire traverse la majeure partie de l’Europe) et des masses d’air tropicales. Or, à la limite du front polaire, la rencontre avec des masses d’air plus chaudes donne naissance à des perturbations qui se déplacent d’ouest en est et traversent donc à peu près en permanence l’Europe en lui assurant des précipitations régulières et satisfaisantes. En saison froide, leurs trajectoires sont plus méridionales et elles contribuent à assurer l’abondance des précipitations aux saisons de transition (printemps et automne) dans les régions méditerranéennes occidentales; en été, elles passent plus au nord, faisant des rives méditerranéennes et de la Russie du Sud des terres relativement sèches pendant une période qui peut aller de quelques semaines à plusieurs mois, selon les lieux et les années.

Enfin, fait de circulation aussi, ces remontées d’eau chaude tropicale, Gulf Stream disent certains, qui, déviées par les vents dominants d’ouest, atteignent les côtes occidentales européennes et assurent à ce continent un remarquable privilège: il n’est que de regarder sur une carte des grandes villes ou des grandes zones de cultures du monde, pour voir que ni l’Amérique ni l’Asie ne portent pareille occupation humaine à semblables latitudes. L’isotherme annuelle de 00C passe bien au sud de la baie d’Hudson en Amérique du Nord (480 de latitude nord) et bien au nord du cap Nord (710) en Europe. Un tiers des capitales européennes sont établies à des latitudes où le continent nord-américain de même que l’Asie continentale ne connaissent que la toundra ou la taïga.

Suivant la combinaison de ces divers éléments, on peut distinguer en Europe trois types principaux de climat: le climat océanique, le climat continental et le climat méditerranéen.

Le climat océanique

On rencontre le climat océanique sur toutes les côtes occidentales du nord de la presqu’île scandinave au sud du Portugal (excepté la petite région au sud du Douro). Sauf en Norvège, où les Alpes scandinaves opposent une barrière proche de la côte, et dans la péninsule Ibérique, où la disposition du relief montagneux n’est pas non plus favorable à la pénétration des influences occidentales, le climat océanique se fait sentir largement dans l’intérieur. Pourtant, il ne faut pas imaginer des conditions de température et de pluviosité partout égales: elles se dégradent suivant la latitude et l’éloignement de la mer. Le climat «océanique pur» est l’apanage des presqu’îles et des îles: l’ouest de l’Irlande, la Cornouailles, la Bretagne. L’amplitude thermique y est très faible: moins de 8 0C à Valentia en Irlande (moyenne de février 7,2 0C, moyenne d’août 15,1 0C), 11,6 0C à Brest (février 6,3 0C, août 17,9 0C). La masse maritime atténue aussi bien la chaleur de l’été que la froidure hivernale; elle se réchauffe et se refroidit plus lentement que la terre et on assiste à un recul des saisons dans l’année: le mois le plus froid est celui de février et le printemps est encore frais; le mois le plus chaud est août mais l’automne est encore tiède. Les vents sont violents, soufflant presque toujours du secteur ouest; ils poussent devant eux d’incessants nuages, agitent la mer, couchent la végétation et interdisent souvent la pousse des arbres qui disparaissent des collines océaniques (landes de Bretagne, de Cornouailles, du pays de Galles, des Highlands), des sommets du Massif central, où les ajoncs, les genêts, la bruyère, les fougères se mêlent à une herbe rare. Les pluies sont fréquentes: leur quantité n’est pas considérable (820 mm à Brest) mais elles tombent presque toute l’année avec une légère prédominance pendant la saison froide et souvent sous forme de petites pluies fines – le «crachin» breton. Les brouillards sont fréquents. Le temps est extrêmement instable: il varie souvent au cours de la même journée et l’ensoleillement est limité (moins élevé de 30 p. 100 sur la «Riviera britannique» que sur la Côte d’Azur française).

Vers le nord, ce climat, tout en restant modéré, devient sensiblement plus contrasté et plus frais. À Bergen, l’amplitude thermique moyenne annuelle atteint 13,2 0C (février 1,2 0C, août 14,4 0C). Les précipitations neigeuses et le gel font leur apparition. Le vent peut devenir un véritable fléau et, en Islande, l’arbre n’existe pratiquement pas, sauf en deux ou trois fonds de vallées bien abrités; des tourbillons de poussière traduisent la puissance érosive éolienne et l’herbe même disparaît au-dessus de 600 m. La lande recouvre toutes les croupes des Alpes scandinaves; la tourbière apparaît dans les fonds creux des hautes vallées où les eaux stagnent.

Vers le sud également, le climat océanique se transforme: l’amplitude s’accroît mais surtout par un réchauffement de l’été: à Bordeaux, l’amplitude est de 15 0C (janvier 5,6 0C, juillet 20,6 0C).

À mesure qu’on s’éloigne de la côte elle-même, le climat océanique se dégrade. Tout d’abord l’amplitude thermique s’accroît à la fois par réchauffement de l’été et rafraîchissement de l’hiver: elle atteint 16 0C à Paris (janvier 3 0C, juillet 19 0C); les contrastes saisonniers s’affirment. Les précipitations diminuent; dans la Beauce, qui est abritée derrière les collines de Normandie, il ne tombe que 550 mm de pluie par an. Les orages d’été apparaissent et, à Paris par exemple, donnent le maximum de précipitations. Pourtant, si les vents océaniques encore chargés d’humidité rencontrent un relief, le refroidissement provoque une augmentation notable des chutes de pluie: il tombe près de 3 m d’eau par an sur les hautes pentes des Pyrénées occidentales, 1,20 m sur le faîte des Vosges exposé à l’ouest. Le climat montagnard sous la dépendance des influences océaniques est extrêmement humide, ce qui en fait un domaine forestier remarquable (forêts des Vosges, des Préalpes septentrionales) et un précieux réservoir hydrologique (hydro-électricité, champs de neige épaisse et durable favorables aux sports d’hiver).

Le climat continental

Ce climat est sous la dépendance des influences venues de l’Asie: aussi est-il particulièrement dur et bien marqué en Russie où les hautes pressions hivernales provoquent de grands froids (face=F0019 漣 11 0C en janvier). L’amplitude thermique devient très élevée: 29 0C à Moscou (18 0C de moyenne en juillet), mais les pointes exceptionnelles sont beaucoup plus prononcées: on a enregistré, à Moscou, des températures inférieures à 漣 40 0C et d’autres supérieures à 35 0C. En hiver, la couverture neigeuse n’est pas très épaisse, mais le sol et les cours d’eau sont gelés. Au printemps, la débâcle et la boue, la «raspoutitsa», rendent la circulation difficile. Les pluies ne sont guère abondantes (500 mm) avec un maximum en fin de printemps et d’été. Le temps est stable, notamment en hiver où le ciel est clair, le gel fort, mais où le vent ne souffle pas.

Il existe un certain nombre de variantes de ce type continental moyen de la région moscovite: vers l’est, les contrastes thermiques s’affirment et la pluviosité reste stable. Vers l’ouest, l’amplitude diminue progressivement: les hivers sont de moins en moins froids, alors que les étés conservent des moyennes analogues. À Colmar, en Alsace, l’amplitude est réduite à 20 0C (face=F0019 漣 1 en janvier et 19 en juillet); les pluies sont très modérées (500 mm) et tombent pour un tiers du total en été. Si les températures hivernales se réchauffent de l’est vers l’ouest, celles de l’été ont tendance à s’accroître du nord au sud: la moyenne de juillet est de 18,9 0C à Berlin mais de 22,6 0C à Odessa.

La végétation se développe ici suivant une disposition zonale: dans la partie septentrionale, c’est le domaine de la toundra, végétation rase de lichen et de mousse avec quelques arbres nains. Au sud apparaît la grande forêt, la taïga de conifères ou de bouleaux. Il n’y a guère qu’en Russie que l’on trouve ces deux bandes bien représentées. Au sud encore, c’est la zone de la steppe, des hautes herbes qui, cultivées, forment les vastes régions céréalières caractéristiques de toute l’Europe centrale. Les reliefs sont couverts de forêts, de conifères dans le nord, d’arbres à feuilles caduques dans le sud.

Le climat méditerranéen

C’est le plus réputé de tous les climats européens. Il ne faut pourtant l’imaginer ni comme une unité ayant partout les mêmes caractéristiques, ni comme un climat sans défaut. Il se rencontre sur les rives de la Méditerranée et dans les plaines ou les versants montagneux qui plongent vers cette mer intérieure. Au-delà des crêtes, la limite des autres types de climat est souvent très nette. Ainsi l’Aigoual, sommet pourtant modéré des Cévennes françaises (1 567 m), a un versant nord-ouest couvert de forêts sur lequel les nuages poussés par les vents océaniques déversent des pluies abondantes, tandis que son versant oriental lumineux, couvert de châtaigniers, plonge brusquement vers la dépression méditerranéenne. On a voulu voir dans l’olivier l’arbre caractéristique de ce complexe climatique: les limites ne sont pas absolument semblables, mais coïncident très fréquemment.

Les caractéristiques générales sont la douceur de l’hiver (8,4 0C à Nice, 8,2 0C à Athènes en janvier) et la chaleur de l’été (27 0C à Athènes en juillet). Mais il ne faut pas imaginer une chaleur régulière et exempte de contrastes. En hiver, il fait chaud au soleil; l’ombre et la nuit sont fraîches. Certains accès de froid s’accompagnent de gel et de neige presque partout, sauf en certains points privilégiés du sud de la péninsule Ibérique ou de la Sicile. D’autre part, la sécheresse, remarquable en été, ne veut pas dire absence de pluie. Les précipitations sont très différentes suivant les expositions ou les latitudes; si elles atteignent plus de 700 mm à Marseille, elles ne sont guère que de 120 mm au cap de Gata. Ces pluies tombent surtout aux saisons de transition (printemps et automne); elles sont beaucoup plus abondantes au nord d’une ligne Lisbonne-Athènes. Elles se produisent généralement sous forme d’averses violentes et rapides qui remplissent d’eau les torrents méditerranéens, autrement réduits à l’état de lits de galets secs. Une autre caractéristique de ce climat est l’importance des vents qui soufflent de la terre vers la mer: le mistral (venu du nord du Massif central vers les dépressions du golfe de Gênes et dont il faut se protéger dans les plaines du bas Rhône par des haies de cyprès ou de roseaux pour pouvoir faire des cultures maraîchères très rentables) est le plus connu, mais il y a aussi la tramontane en Roussillon, le scers en Languedoc, la bora en Dalmatie. Quant à l’Italie du Sud, à la Sicile et au sud de l’Espagne, elles connaissent le sirocco venu, en été, de l’Afrique brûlante.

Malgré ses brutalités, le climat méditerranéen est fort apprécié en raison de son ensoleillement. La végétation est surtout adaptée à la sécheresse: écorces épaisses du chêne-liège, feuilles réduites à des épines ou couvertes d’un vernis protecteur (chêne vert, olivier). Sur les reliefs, la forêt, très souvent dégradée, fait place à la garrigue, dont l’arbre caractéristique est le chêne kermès, ou au maquis réputé impénétrable. Mais les régions les plus sèches, souvent faites de calcaire, peu arrosées, sont réduites à l’état de véritables steppes. L’irrigation est à peu près toujours nécessaire pour obtenir des cultures rentables.

3. L’occupation humaine

De ces milieux physiques variés et généralement accueillants, l’homme a tiré parti de multiples manières au prix d’efforts constants, comme en témoignent les découvertes préhistoriques, depuis des dizaines de milliers d’années et, en tout cas pour les premières civilisations agricoles, depuis la révolution néolithique, c’est-à-dire environ 8 000 ans. Notre «histoire» n’est qu’une courte période dans cette chronologie.

Tous les habitants actuels de l’Europe n’ont pas les mêmes traits physiques; les ethnologues distinguent, non des «races», mais des types assez caractéristiques: nordique, méditerranéen, européen oriental, alpin et dinarique. Il existe des anomalies qui résultent non seulement des brassages des peuples originaux, mais aussi de populations plus anciennes ou incomplètement assimilées. Ainsi en serait-il des Basques, dont les caractères anthropologiques, la langue, la civilisation montrent une originalité incontestable.

Ces Européens furent, dès l’époque historique, relativement nombreux: 2 millions en Grèce au Ve siècle avant J.-C., 700 000 habitants à Rome au début de notre ère, et peut-être alors entre 10 et 15 millions pour toute l’Italie.

Au Moyen Âge, les poussées démographiques se traduisirent par la conquête de nouvelles terres: on défricha les forêts, sous «l’irrésistible poussée des essarteurs» selon l’expression de Marc Bloch, on assécha les marais, on agrandit ou on créa des villes. L’occupation du sol, si dense et si parfaite, que connaissent les États européens à l’inverse de ceux de tous les autres continents, est un fait fort ancien. Le site de presque toutes les villes, et dans bien des campagnes la forme des champs et des villages, se rattachent par une filiation quasi directe aux entreprises de nos lointains ancêtres préhistoriques, aux étapes de la romanisation pour la plus grande partie méridionale et occidentale du continent, enfin à l’œuvre des pionniers du Moyen Âge. Au contraire, la répartition actuelle de la population est fonction des transports modernes et résulte d’une série de mutations (abandon des hautes montagnes, dépeuplement rural, concentrations urbaines, création de zones industrielles) depuis l’aube du XIXe siècle.

L’expansion démographique

Malgré les épidémies, les guerres, la population européenne n’a cessé de croître au cours des siècles. Les estimations sont difficiles à établir et, pour l’Angleterre par exemple, on avance les chiffres suivants: 1066, 2 millions d’habitants environ; 1600, 4,6 millions; 1800, 8,8 millions; 1967, 48 391 000 habitants. Le mouvement s’est donc accéléré récemment. L’Europe avait à peu près 165 millions d’habitants au temps de la Révolution française (dont 25 pour la France, 24 pour la Russie, 18 pour les possessions de l’Empereur, 15 pour le Royaume-Uni); la France était alors l’État le plus peuplé d’Europe. Au début des années 1990, on peut estimer les Européens à environ 680 millions, y compris les Russes d’Europe; à 497 millions sans eux, dont 58 au Royaume-Uni et en Italie, 57 en France, 80 en Allemagne. En un peu moins de deux siècles, la population a presque quadruplé, bien que l’Europe ait été pendant cette période le siège d’une intense émigration et de conflits meurtriers.

Elle a été le théâtre de la «révolution démographique», c’est-à-dire d’une diminution régulière et constante de la mortalité, alors que la natalité restait pendant longtemps croissante ou stable. Le taux de mortalité pour l’ensemble de l’Europe occidentale est passé en moyenne de 30 p. 1 000 au début du XIXe siècle à 18 p. 1 000 vers 1900 et à 11 p. 1 000 à la fin des années 1980. Cela a entraîné des excédents naturels réguliers, et l’Europe a été, au XIXe siècle, le continent où la population s’accroissait le plus rapidement (9,6 p. 1 000 par an, tandis que la progression mondiale n’atteignait guère que 6,5 p. 1 000).

Mais, selon les pays, on distingue plusieurs types d’évolution:

– Le type anglais , où le taux de natalité a reculé très lentement, tandis que la mortalité baissait rapidement. La population de l’Angleterre était multipliée par 4,5 malgré une émigration considérable. Au même type, on peut rattacher, avec quelques variantes, les pays scandinaves, l’Allemagne et les Pays-Bas.

– Le type méditerranéen et oriental , caractérisé par une natalité très élevée et persistante, par une mortalité encore considérable. L’accroissement, longtemps modéré, est devenu plus important vers la fin du siècle précédent et surtout au début du XXe siècle, époque à laquelle les émigrants latins et slaves déferlèrent à leur tour vers l’Amérique du Nord. À ce type se rattachent l’Italie, la péninsule Ibérique, les États du sud-est et de l’est de l’Europe, avec des nuances.

– Les types aberrants : c’est celui de la France, où la natalité a baissé plus précocement que dans aucun autre pays du monde, et où la mortalité a reculé lentement (l’accroissement naturel a donc été limité). Quant à l’Irlande, si la natalité s’est maintenue à un niveau relativement satisfaisant, la mortalité a modérément reculé, et surtout l’émigration a effectué de nombreuses ponctions, si bien que, sur la superficie de l’Eire actuelle, on comptait 6 530 000 habitants en 1841 et qu’il n’y en a plus que 3 440 000.

Cette expansion démographique s’est accompagnée d’un flux d’émigration considérable. On a estimé que 50 et peut-être même 60 millions de personnes ont participé à ces mouvements; plus de la moitié ont gagné la seule Amérique du Nord. Certes, depuis longtemps, les Européens, surtout originaires des États de l’Ouest, s’étaient lancés à la conquête du Nouveau Monde, mais l’intensification des départs coïncide avec la révolution démographique européenne et la vigoureuse croissance de la population qui en est résultée; cette émigration a été favorisée par le développement des transports et la révolution économique, génératrice de progrès, mais aussi de nouveaux besoins. L’émigration a connu plusieurs périodes: la première vers 1850-1855, la deuxième vers 1875, la troisième entre 1885 et 1890, la quatrième – de loin la plus importante – de 1905 à 1913, la cinquième vers 1925, la sixième au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. L’année record pour les départs a été 1913, avec 1 527 000 personnes qui ont quitté les rives européennes. On estime que l’Europe du Nord-Ouest (îles Britanniques, Scandinavie, Belgique et Pays-Bas) a fourni 25 millions d’émigrants, dont deux tiers pour les îles Britanniques; sont partis également 7 millions d’Allemands, 10 millions d’Italiens, 4 millions d’Austro-Hongrois, plus de 3 millions d’Ibériques, 700 000 Grecs, des Russes, des Polonais.

Ces courants d’émigration ont eu des conséquences extrêmement importantes. Les descendants d’Européens ont occupé la plupart des espaces encore mal exploités au début du XIXe siècle (Amérique du Nord, Australie); ils ont renforcé les contingents d’Européens qui avaient déjà implanté fortement leur marque ailleurs (Amérique latine, noyaux de colonisation dans les autres continents). Une grande partie du monde se trouve aujourd’hui parler la langue anglaise. À son apogée, une organisation comme le Commonwealth occupait près du quart de la superficie de la terre, avec une population de 800 millions d’habitants, soit 23 p. 100 du total mondial d’alors. D’autre part, ces émigrants ont conservé avec leurs pays d’origine des liens particuliers, et l’Europe est ainsi devenue dans une certaine mesure l’atelier du monde. Après la Première Guerre mondiale, la puissance industrielle des États-Unis ou celle de nouveaux venus, comme le Japon, ont modifié cet état de choses, mais pour comprendre la situation politique et économique de l’Europe actuelle, il faut tenir compte des faits démographiques et économiques qui ont eu lieu au XIXe et au début du XXe siècle.

Actuellement, le grand développement démographique de l’Europe a cessé. Le ralentissement s’est manifesté dès le début du XXe siècle, et, entre 1950 et 1960, alors que la population de l’ensemble du monde augmentait de 1,7 p. 100, le taux européen n’était que de 0,8 p. 100. Plus récemment, de 1970 à 1975, la population mondiale a augmenté de 1,8 p. 100 et la population européenne de 0,6 p. 100 (et de 0,3 seulement, même, pour l’Europe septentrionale, qui a présenté le plus faible accroissement naturel du monde). En effet, la moyenne de la natalité européenne est actuellement la plus basse du monde – elle se situe aux alentours de 13 p. 1 000. Certains pays enregistrent les taux les plus faibles du monde, comme l’Allemagne avec 11,3, l’Espagne et la Grèce avec 10,2, l’Italie avec 9,8 p. 1 000. Dans beaucoup de pays, le nombre annuel des naissances est tombé, au cours de la décennie 1970, au-dessous du niveau nécessaire au remplacement de la population (vers 1970, ce fut l’Allemagne, vers 1979 l’Italie). Au contraire, si la mortalité a diminué en raison du niveau de vie moyen relativement élevé des populations et de l’expansion des habitudes d’hygiène, elle est favorisée par l’existence d’une proportion importante de personnes âgées. Les Européens – surtout les habitants des pays où la natalité a été volontairement réduite depuis une longue période, et aussi de ceux où les techniques médicales sont les plus avancées – possèdent la plus faible proportion de jeunes et la plus forte proportion de vieillards. En Europe occidentale, le pourcentage des moins de vingt ans est généralement inférieur à 30 et celui des plus de soixante ans se situe aux alentours de 15; en Europe orientale, la natalité ayant diminué beaucoup plus récemment, le type est assez différent: les républiques de l’ex-U.R.S.S. ont 36 p. 100 d’habitants de moins de vingt ans et 13 p. 100 d’habitants de plus de soixante ans; la plupart des pays de l’Europe orientale et méridionale ont une composition qui rappelle ce second type. La mortalité d’ensemble est d’environ 10 p. 1 000. Dans ces conditions, la proportion des Européens diminue à la surface de la planète: on l’a évaluée à 26,5 p. 100 en 1925 et à 15 p. 100 en 1980. Ce recul du pourcentage devrait encore s’accentuer vers les années 2000, où l’Europe connaîtra un véritable déclin démographique.

Répartition des populations

La montée progressive de la population a eu une double conséquence: elle a fait de l’Europe le continent le plus uniformément peuplé du monde; elle lui a donné les plus fortes densités de toutes les terres habitées. Il n’est pas seulement question de parler de «milieu physique favorable»: dans d’autres continents également, certaines montagnes pourraient être peuplées, certaines plaines occupées de manière plus dense, notamment en Amérique du Nord; mais les hommes, trop peu nombreux ou trop récemment arrivés, ont négligé les possibilités offertes ou remplacé l’homme par la machine, car ils possédaient déjà une technique avancée. En Europe, au contraire, toutes les expériences démographiques et économiques se sont faites sur place, au jour le jour. Dans les montagnes, on trouve des villages accrochés jusqu’à 1 800 m dans les Alpes du Sud, jusqu’à 1 900 m dans les chaînes Ibériques méridionales. On compte en moyenne 35 habitants au kilomètre carré dans la grande plaine de l’Allemagne du Nord et de la Pologne, alors que les densités ne sont que de 11 hab./km2 dans la grande plaine des États-Unis, à l’ouest du Mississippi.

Mais les densités ne sont pas uniformes, et l’on peut distinguer plusieurs groupes de pays. Ceux de l’axe Angleterre-pays rhénans-Italie sont les plus densément occupés; l’Italie, qui a certains caractères méditerranéens, a cependant 192 hab./km2 mais les densités dépassent 200 pour le Royaume-Uni (256) et l’Allemagne occidentale (229); elles sont supérieures à 300 pour la Belgique (323) et les Pays-Bas (442). On peut y rattacher la Suisse (165) et le nord de la France. En dehors des éléments de la chaîne alpine et des arcs montagneux italiens, ce sont surtout les plaines où se trouvent non seulement des habitants nombreux, mais également la plus forte concentration de villes dépassant 500 000 habitants sur une surface réduite. Au sud-ouest, la péninsule Ibérique (Espagne 77, Portugal 113) et l’ensemble du territoire français (103) font figure d’espaces sous-peuplés, surtout dans les régions intérieures qui s’opposent aux franges littorales, plus habitées. Au nord-est, les pays scandinaves sont d’autant moins peuplés que les conditions physiques y sont plus dures; le Danemark (119) est intermédiaire, mais en Suède (19), en Finlande (15) et en Norvège (13) une grande partie du territoire est vide. Quant aux autres parties de l’est et du sud-est, leur ruralité longtemps prédominante, leur mortalité longtemps relativement forte expliquent que, malgré un taux de natalité qui est resté très élevé jusque vers 1950, ils soient seulement très médiocrement peuplés (Bulgarie 80, Grèce 78, Pologne 123, Roumanie 98, ex-Yougoslavie 92; la Tchécoslovaquie – occidentalisée à l’ouest et orientale en Slovaquie – compte 123 hab./km2).

Dans les limites de cette opposition, toutes les nuances existent. La répartition des hommes a beaucoup changé depuis le XIXe siècle et la révolution industrielle; celle-ci a pris naissance en Europe occidentale, plus précisément en Angleterre dès la fin du XVIIIe siècle. Le développement de l’industrie moderne a créé une nouvelle carte démographique, et les campagnes se sont progressivement vidées au profit des villes, l’évolution étant plus rapide dans le nord-ouest et dans le centre que dans l’est et le sud. Néanmoins, au début des années 1980, la proportion de population urbaine était partout supérieure à 50 p. 100 (et à 60 p. 100 en Europe occidentale). Des pays comme l’U.R.S.S., qui étaient très en retard, sont passés de 17,9 p. 100 de population urbaine en 1926 à 62 p. 100 en 1978. La Belgique, avec 94,6 p. 100 de population urbaine, est l’État le plus urbanisé du monde et l’Angleterre se situe dans le même groupe. Il faut ajouter que l’Europe renferme, avec les agglomérations de Londres, de Paris et de Düsseldorf (y compris le tissu urbain de la Ruhr) trois des quinze plus grandes concentrations humaines de la planète.

Devant ces fortes densités et ces entassements humains localisés, on a pu poser la question: «L’Europe est-elle surpeuplée?»

Il est évident que certaines régions européennes sont surpeuplées par rapport à leurs possibilités naturelles ou à leur mise en valeur. Ainsi en est-il, en particulier, des péninsules méditerranéennes, et cela explique les courants d’émigration enregistrés depuis le Portugal, l’Espagne, l’Italie méridionale, et plus récemment la Grèce et la Hongrie, vers les régions industrielles de l’Europe du Nord-Ouest (Nord et Est français, région parisienne, pays rhénans allemands, bassins houillers belges, et même britanniques, Suisse). À l’intérieur des frontières, l’Italie du Sud déverse ses contingents de sous-employés vers les régions industrielles de la plaine du Pô; Barcelone et Madrid attirent les émigrants ruraux du Sud ibérique. Au contraire, un État comme les Pays-Bas, qui a la plus forte densité du monde, a réussi, au cours de ces dernières années, au prix d’un effort gigantesque, à élever le niveau de vie de ses habitants et à transformer son économie par une industrialisation bien conçue. De même les réfugiés qui se sont déversés sur l’Allemagne occidentale au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et dont on avait craint qu’ils constituent pour ce pays une surcharge économique dangereuse, ont finalement été facilement assimilés par l’économie allemande. Mais la réunification a changé les données du problème. Pourtant il faut remarquer qu’un pays comme le Royaume-Uni, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, a encouragé officiellement l’émigration, considérant que sa population commençait à devenir trop nombreuse; et, chaque année, l’Europe offre encore au monde un contingent non négligeable d’expatriés (Britanniques, Irlandais, Italiens, Ibériques surtout).

En raison de ce grand nombre d’habitants, l’Europe, étant donné sa petitesse et la faiblesse ou l’ancienneté de ses richesses (minerais par exemple), doit faire largement appel aux échanges internationaux. Elle est le continent le plus dépendant du commerce international. Il est impensable qu’elle puisse se suffire en économie fermée: il lui faut acheter des matières premières, des produits pétroliers, alimentaires et, inversement, pour utiliser son potentiel industriel, exporter largement des produits fabriqués. Cela est une condition absolue de la survie des Européens et constitue encore une des originalités de ce petit continent.

4. Les paysages

Très densément peuplée, largement tributaire des échanges avec l’extérieur, siège d’une agriculture anciennement évoluée et d’une industrie née d’un artisanat séculaire raffiné au moment de la première révolution industrielle et sans cesse perfectionnée depuis, l’Europe offre des paysages très originaux.

Caractères généraux

Dans les campagnes, les vestiges d’une antique exploitation du sol subsistent dans le morcellement des terres, la faible dimension des exploitations, l’archaïsme du parc immobilier en voie de transformation. Au contraire, les progrès économiques ont introduit inégalement la spécialisation poussée de la production – en fonction des besoins des marchés et des moyens de transport denses, c’est-à-dire des possibilités de spéculation – l’application des méthodes scientifiques les plus modernes (engrais, semences et races sélectionnées) – car la terre est rare et précieuse (les agricultures néerlandaise et danoise sont les plus perfectionnées du monde) – la commercialisation très bien organisée à des prix relativement élevés. Dans l’Est européen, après l’échec des structures imposées par le communisme, il faut réorganiser les conditions de production et d’exploitation. Partout, sauf au Royaume-Uni (2,6 p. 100 de population active agricole, le taux le plus bas du monde), la population agricole est beaucoup plus nombreuse à l’hectare que dans les pays neufs (Amérique du Nord, Australie) et beaucoup plus faible que dans les pays en voie de développement, surtout l’Asie.

Quant à l’industrie, si elle n’atteint pas au gigantisme des États-Unis, elle est pourtant puissante. Les paysages industriels sont tour à tour anciens, ravagés et en cours d’abandon ou de rénovation, comme dans les bassins houillers dont les nébuleuses urbaines noires et tristes encadrent une grande partie des montagnes hercyniennes au Royaume-Uni, en France, en Belgique, en Allemagne, en Pologne et aussi en Russie; ou bien ultra-modernes dans les banlieues des villes, le long des installations portuaires, auprès des centres de production de houille blanche, de pétrole, de gaz naturel et d’énergie nucléaire. Ces régions industrielles sont extrêmement denses; la carte des implantations s’oppose très nettement à celle de tous les autres continents, mais elle s’apparente à celle des États-Unis de l’Est: c’est la seule analogie régionale sur une assez vaste étendue que l’on puisse lui trouver.

On peut faire la même remarque à propos du réseau de transport; aucun autre continent ou fraction de continent n’est mieux desservi. Le réseau ferroviaire, très serré, est adapté aux réalités économiques du siècle passé, époque de son implantation dans un continent déjà peuplé. Tous les moyens de communication intérieurs existent et sont à la fois nombreux et très utilisés; ils évitent les vieilles montagnes comme le Massif central ou le quadrilatère bohémien, mais franchissent au prix de travaux grandioses les chaînes élevées bordées de régions prospères: les Alpes entre l’Italie, la Suisse, l’Autriche et la France apparaissent autant comme un carrefour de chemins de fer, de routes, d’oléoducs, que comme un obstacle, assurant ainsi la fortune d’États montagneux comme la Suisse. Quant aux ports, ils sont puissants et bien équipés: Rotterdam est le deuxième port du monde. Deux systèmes fluviaux liés entre eux depuis 1992, le Rhin à l’ouest et le Danube à l’est, drainent le continent, tandis que les Russes ont réussi à faire communiquer, par des voies d’eau intérieures, les mers nordiques et la mer Noire, et que l’on envisage en France une liaison par eau Rhin-Rhône. Sur la façade septentrionale, les grands estuaires sont les ouvertures actives du continent (Londres, Anvers, Rotterdam, Hambourg), tandis que sur la Méditerranée les ports recherchent les baies abritées (Marseille, Gênes, Naples). L’Allemagne occidentale est le deuxième exportateur du monde, le Royaume-Uni et la France se classant respectivement aux quatrième et cinquième rangs suivant les années.

Diversité européenne

Pourtant, tous ces caractères, s’ils sont «généraux», ne sont pas uniformes. Traditionnellement s’opposaient: une Europe du Nord-Ouest, océanique, aux montagnes usées, à la civilisation industrielle très avancée; une Europe méditerranéenne, plus ensoleillée, au relief plus âpre, à l’économie moins riche, longtemps plus prolifique; une Europe nordique, aux dures conditions naturelles mais à la civilisation matérielle concentrée et prospère; une Europe orientale, plus rurale, plus continentale, longtemps considérée comme attardée. Les bouleversements politiques nés de la Seconde Guerre mondiale et les ententes économiques nouées postérieurement ont introduit à travers ces coupures «naturelles» d’autres divisions. L’économie socialiste des pays de l’Est a changé le rythme d’évolution et les formes de structure; l’industrialisation s’est développée rapidement; la natalité a beaucoup baissé; des liens économiques nouveaux se sont renforcés au détriment des anciens rapports de complémentarité ouest-est. En Europe occidentale, le Marché commun (Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas auxquels se sont joints, en 1972, le Royaume-Uni, l’Irlande, le Danemark, en 1981 la Grèce et, en 1985, l’Espagne et le Portugal) a rassemblé un grand nombre d’États, favorisant certains progrès économiques et certains courants d’échanges. Il s’est imposé dans le commerce international, cependant que les nationalismes demeurent très puissants.

Ainsi l’Europe, le plus petit des continents, le plus varié physiquement et le plus morcelé par la division en États traditionnels et par le regroupement en blocs économico-politiques plus modernes, n’a pas encore résolu tous ses problèmes.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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